Les auteurs argentins immanquables depuis 1990

Borges, Cortázar, Arlt, Bioy Casares sont les grands noms de la littérature argentine. Ils l’ont faite connaître en Europe, traduire en de nombreuses langues. Ils ont développé un style si particulier, fantastique et sensible, qu’ils semblent insurpassables. Mais après eux ? De nouvelles générations d’auteurs séduisent les lecteurs et les maisons d’éditions. Ecriture déjantée, drôle, parfois sombre, elle est aussi réaliste : on y trouve l’Argentine des années 70 à nos jours. Qui sont ces contemporains de la littérature argentine ?

 

La génération d’auteurs née dans les années 60

Elle se nourrit des grands maîtres du XXè mais pour s’en éloigner. Elle a grandi avec Ricardo Piglia, César Aira, Rodolfo Fogwill ou encore Juan José Saers, devenus des incontournables à la fin du XXè siècle.

 

La génération d’auteurs née dans les années 60 vit le péronisme et les dictatures dans son enfance. C’est peut-être celle qui raconte le plus son pays dans ses écrits, à l’image des nouvelles délirantes de l’univers pop et loufoque de Rodrigo Fresán dans Histoire argentine (Historia argentina, 1991) ou dans un style très différent La nuit recommencée (Una misma noche, prix Alfaguara 2012) de Leopoldo Brizuela où le parallèle entre son quotidien à La Plata et une nuit vécue dans son enfance en 1976 l’oblige à chasser les fantômes de sa famille. On trouve aussi une forte présence de l’Argentine dans les romans de Claudia Piñeiro avec les quartiers sécurisés des Veuves du jeudi (Las viudas del jueves, 2009), la thématique de l’exil et du retour dans Une chance minuscule (Una suerte pequeña, 2017), et les arnaques immobilières dans Las grietas de Jara, récemment adapté au cinéma. Découvrez aussi notre sélection de 10 livres pour découvrir l’Argentine.

 

Ce sont des auteurs très rapidement internationalisés, surtout dans le monde hispanophone car publiés par des maisons d’éditions basées en Espagne comme Anagrama ou Alfaguara. C’est le cas du célèbre écrivain Alan Pauls, distingué en 2003 par le prix Herralde d’Anagrama pour Le Passé (El Pasado, 2003), un drame amoureux autour de l’histoire de Rímini et Sofía qui tourne à l’enfer ; ou de Sergio Bizzio, qui remporte en 2004 le Prix International du Roman de la Diversité pour Rage (Rabia, 2004), un roman sur les classes sociales, le pouvoir et l’humiliation. Sa nouvelle « Cinismo », du recueil Chicos (2004) est adaptée au cinéma sous la caméra de Lucía Puenzo avec l’interprétation du grand Ricardo Darín (XXY, 2007).

 

Pour beaucoup, la vie en Europe ou les voyages se font également sentir dans leurs récits. Pablo de Santis situe par exemple l’intrigue du Club des douze (El enigma de Paris, 2007) dans le Paris de 1889 qui s’apprête à accueillir l’Exposition Universelle. Un meurtre survient lors d’une rencontre entre détectives du monde entier. Deux enfants d’immigrés – polonais et argentin – vont alors devoir se plonger dans les secrets de Paris pour mener à bien leur enquête.

Ces auteurs contemporains jouissent aujourd’hui d’une forte reconnaissance en Argentine et constituent des références dans le paysage littéraire hispanophone. Leurs publications sont chaque année très attendues.

 

La jeune nouvelle garde

Après eux succède la vague d’auteurs nés à la fin des années 70. Ce sont des auteurs jeunes, qui publient leurs premiers ouvrages et n’ont pas la même facilité d’édition que leurs prédécesseurs. C’est pourquoi Maximiliano Tomás (première photo) en a regroupés vingt-trois dans son anthologie parue en 2005 La joven Guardia, Nueva Narrativa Argentina. Le recueil se propose de mettre en valeur les nouvelles d’auteurs de moins de quarante ans qui avaient déjà publié un livre à l’époque. Sa volonté n’est pas de poser les bases d’un nouveau mouvement littéraire, mais plutôt de donner une visibilité à ces jeunes auteurs et créer un panorama de la narration argentine du début du XXIè siècle.

 

On y trouve Andrés Neuman, déjà connu pour Bariloche, l’histoire d’un éboueur de la ville de Buenos Aires qui lui vaut le prix Herralde d’Anagrama. C’est le même auteur qui en 2008 est applaudi par la critique pour Le voyageur du siècle (El viajero del siglo), un roman fleuve situé dans l’Allemagne de la Restauration et l’Europe napoléonienne avec lequel il obtient le prix Alfaguara.

On découvre également l’univers sombre et fantastique de Mariana Enriquez, dont les contes et nouvelles évoquent les sœurs Brönte, Dracula ou la plume de Manuel Puig, auteur argentin des années 60-70. En 2004, elle publie son premier roman Cómo desasparecer completamente. Son dernier recueil Ce que nous avons perdu dans le feu (Cosas que perdimos en el fuego) a été édité en 2016, traduit en français et interprété au cinéma.

 

Le regard sarcastique de Félix Bruzzone sur la société argentine est une autre des perles de la publication de Maximiliano Tomás. Y sont dépeints la dictature (dans son recueil 76), les séquestrations et les disparitions (dans Los Topos, et de manière plus fictive dans Las Chanchas) et les “barrios cerrados” (Piletas, publié en 2017, raconte ses anecdotes de nettoyeur de piscine dans les quartiers sécurisés, également interprété au cinéma dans Barrefondo de J. L. Colás).

Mais aussi : les histoires dérangeantes de Samantha Schweblin, dont les écrits traduits en plusieurs langues intègrent au récit du quotidien des éléments d’étrangeté (Des oiseaux plein la bouche, 2013, Le glaçant toxique, 2015), ou encore la prose expérimentale d’Iosi Havilio, qui défie les règles narratives comme dans son roman d’un seul paragraphe, Petite fleur ne meurt jamais (Pequeña flor, 2015).

 

Hors des contes regroupés par Maximiliano Tomás, Eduardo Sachieri, dont La pregunta de sus ojos (2005) a inspiré le film Dans ses yeux, un incontournable du cinéma argentin, est sans aucun doute un des noms les plus en vue de la littérature argentine du XXIè siècle. On lui doit La nuit de l’usine (La noche de la Usina, 2016) où des travailleurs d’un village de la pampa argentine décident d’unir leurs forces pour résister à la crise de 2001. Sachieri est surtout un passionné de football et le transmet dans ses romans, dont le dernier, Papeles en el viento (non traduit), raconte les déboires d’un joueur de foot de troisième division.

 

Enfin côté théâtre, la dramaturge Lola Arias a reçu de nombreux échos favorables en France et en Europe avec sa trilogie Stripstease, Rêve avec revolver, L’amour est un sniper (2007) ou encore Ma vie après (2011), dans laquelle de jeunes adultes reconstruisent les souvenirs de leur enfance sous la dictature. Elle aime y explorer la dialectique entre mise en scène et documentaire, comme dans son film Teatro de guerra (2018), où six vétérans de la guerre des Malouines se rencontrent pour échanger sur leur passé, un sujet qu’elle avait déjà mis en scène avec Champ de mines.

 

Cette génération d’auteurs contemporains est plus accessible à lire en version originale que l’espagnol de Marelle (Rayuela, Julio Cortázar) ou des Sept Fous (Los Siete Locos, Roberto Arlt). Leurs récits replongent dans les racines de la dictature, montrent les séquelles de la crise de 2001 et se tissent dans l’Argentine d’aujourd’hui. Ils se nourrissent de drames sociaux, d’humour noir et de thrillers, pour vous montrer la grande diversité de la créativité littéraire argentine.

 

 

 

Crédits Photo : DR.

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